La capacité de travail : qu’est-ce que c’est ? (Partie I)

 

La “capacité de travail” est une expression à la mode dans le monde du fitness et de la préparation physique. Mais qu’est-ce qu’elle veut dire exactement ?


A chacun sa définition…

Certains imaginent un effort de plusieurs minutes, comme une course de 800 m ou un combat de MMA. La sueur coule à flots, le cœur s’emballe et les muscles “brûlent”. Soit, tous les effets externes de la glycolyse.

Capacité de travail - Snatch-test
Lois Monaco, SFG 2, en plein Snatch-test lors de sa certification SFG 1, en juin 2016 en Italie.

D’autres y voient plutôt un travail manuel : des efforts parfois importants séparés par des longues périodes d’activité beaucoup moins intense. Pour l’exprimer d’une manière un peu plus scientifique, c’est du travail de “haute énergie/basse cadence”. Des “poussées” alactiques avec la récupération aérobie. Ou, comme Al Ciampa, SFG, l’a surnommé, “A + A”. Pour une raison mystérieuse, lorsque l’on parle de la capacité de travail, les exercices purement aérobies ne sont que très rarement évoqués.

Le terme “capacité de travail” remonte à l’époque après-guerre. En 1947, un physiologiste clinique Suédois, T. Sjöstrand, a décidé d’évaluer la capacité de travail physique des ouvriers d’une fonderie. Pour cela, il a mesuré le travail (dans le sens mécanique du terme) produit par chaque participant au test. Cela était fait sur un vélo ergomètre, à une fréquence cardiaque de 170 battements/minute, pendant plusieurs minutes.

Malheureusement, comme tous les tests, celui-là était biaisé. Un cycliste, même amateur, y laisserait un travailleur de fonderie loin derrière. Mais imaginez ce qui se passerait, si l’ouvrier invitait ce cycliste pour une journée de huit heures à l’usine ! De notre côté, nous avons notre propre test. Celui de 100 Kettlebell Snatches en moins de 5 minutes. Nous y sommes attachés, mais il peut être apprécié ou critiqué de la même manière.

La capacité de travail : une définition réaliste

Le problème est que cette capacité de travail physique ne dépend pas seulement de la technique. Il faut aussi prendre en compte les filières énergétiques impliqués. Quand nous parlons des filières énergétiques, la “capacité” a un sens assez direct : la taille du réservoir de carburant. Or, les réservoirs alactique, glycolytique et aérobie se remplissent et se vident différemment. On ne peut pas évaluer les trois en même temps avec le même test. Ensuite, ces trois filières fonctionnent en parallèle, bien que le niveau de contribution de chaque filière varie en fonction de la demande totale en énergie. Par conséquent, la capacité de travail mesurée avec le Snatch-test de 5 minutes n’est pas la même que celle, mesurée avec le test de 10 minutes.

Revenons au test du 1947. Un cycliste, un vrai, possède un grand réservoir aérobie. Ce réservoir lui permet de maintenir un effort modéré pendant un bon bout de temps. De son côté, l’ouvrier de la fonderie a une grande capacité alactique complétée d’une récupération aérobie efficace. Autrement dit, il manipule des objets lourds sans aller jusqu’à la brûlure glycolytique, puis récupère rapidement. Il n’a pas le choix. Si l’ouvrier voulait rester en aérobie, alors il n’aurait pas assez de force pour soulever des gros blocs de métal. Et s’il partait sur le chemin glycolytique à-la WOD ? Il s’effondrerait dans une marre de sueur dès la première heure de la journée de travail qui en comporte huit.

Alors, quand vous prononcez les mots “capacité de travail”, soyez prêt à qualifier la filière énergétique dominante : alactique, glycolytique ou aérobie. Ou sinon, spécifiez les paramètres de la charge : la puissance, la cadence, la durée. Autrement, votre discours n’aura pas beaucoup de sens.

Comment développer correctement vos systèmes énergétiques

Il existe des protocoles testés et approuvés pour développer les trois filières énergétiques. En ce qui concerne l’aérobie, nous vous renvoyons vers The Big Book of Endurance Training and Racing de Dr Phil Maffetone.

En ce qui concerne l’entraînement glycolytique, suivez les conseils de l’article Pauses Longues.  Pour résumer, il s’agit d’efforts de 20 à 50 sec en intensité maximale séparés par des longues (de 1 à 5 min) périodes de repos actifs (soit les efforts à 50% d’intensité). Je développerai ce sujet d’avantage dans mes prochains articles.

Un exemple du travail alactique complété d’une récupération aérobie est l’entraînement classique des haltérophiles Russes. Ils s’attachent à faire plusieurs séries de très peu de répétitions en évitant la sensation de brûlure. Ils font également très attention à bien récupérer entre les séries et évitent la congestion musculaire. La “capacité de travail” n’est pas leur objectif, mais un effet secondaire de cette forme d’entraînement. Pour l’anecdote, les champions olympiques Soviétiques d’haltérophilie, Plyukfelder et Rigert, s’entraînaient après une journée de huit heures à la mine.

Capacité de travail - R. Plukfelder
Rudolphe Plyukfelder, une légende de l’haltérophile Soviétique

Un peu de science…

Les professeurs Maximov, Selouyanov & Tabakov (2011) expliquent:

Prenons quelqu’un qui exécute un exercice de force en s’arrêtant loin de la limite. Par exemple, un athlète soulève 4 à 8 fois le poids qu’il peut soulever 16 fois. Dans ce cas-là, la fatigue locale ne se développe pas et les tissus musculaires restent loin de l’acidose… Cela stimule le développement des mitochondries dans les fibres musculaire au métabolisme à prédominance glycolytique. Par conséquent, la combinaison des efforts à 70-90% d’intensité maximale et des pauses [longues] développe les muscles par voie d’aérobie.

Gray Cook souligne que le programme “Rite de Passage” décrit dans mon livre “Les Secrets des Kettlebells”, développe la capacité de travail. Et c’est logique, puisqu’il est basé sur la méthodologie de l’haltérophilie Soviétique. Même si la force est toujours l’objectif premier de ce programme, il produit naturellement l’endurance “alactique plus aérobie”.

Ne cherchez pas la “capacité de travail”, cherchez l’endurance générale

Vous pourriez me demander s’il existe la “capacité de travail générale” qui couvre tout ce qui était évoqué. Oui, mais elle porte un autre nom. Le terme adopté il y a des décennies par la science des sports Soviétique est “l’endurance générale”.

Dans les recherches et la pratique du terrain, en Russie, toutes les qualités athlétiques sont subdivisées en générales et spécifiques. “Général” fait référence à …la capacité… d’exécuter un travail physique quelconque avec plus ou moins de succès“. (Ozolin, 2006). “Spécifique” fait référence au travail propre à une discipline sportive. Le professeur Ozolin précise :

L’endurance générale est la capacité d’exécuter pendant une période de temps prolongée un travail physique impliquant plusieurs groupes musculaires et exigeant du point de vue des systèmes cardiovasculaire, respiratoire et nerveux.

En résumé

  • Si vous avez envie d’utiliser les mots “capacité de travail”, attendez qu’elle passe.
  • Sinon, soyez prêt à spécifier quelle est la filière énergétique dominante ou quels sont les paramètres de charge de l’exercice.
  • Si vous ne voulez pas ou n’avez pas le moyen de spécifier la filière énergétique ou les paramètres de charge ou si vous avez à l’esprit quelque chose de plus large, dites “endurance générale”.

Il va de soi qu’avant de penser à travailler votre capacité de travail, vous devez apprendre les bases et acquérir un certain niveau de force. C’est l’objectif de nos formations techniques :

Si vous n’êtes pas encore sûr de vous, venez découvrir notre école lors de l’Open Day StrongFirst France et ses cours d’initiation.

En revanche, si vous vous entraînez depuis longtemps et souhaitez désormais partager votre expérience avec d’autres passionnés, nous pouvons vous enseignez la meilleure manière de le faire lors de nos certifications :

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