Pauses longues

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“Au début il était Christopher Bellew. A l’université il est devenu Chris Bellew. Plus tard, dans la communauté bohémienne de San Francisco on l’appelait Kit Bellew. Puis enfin, il est devenu connu sous le nom de « Smoke » Bellew. Et cette histoire de l’évolution de son nom est l’histoire de sa propre évolution…”

Il y a quelque temps, mon père et moi avions l’une de ces conversations « père-fils » au sujet d’intervalles de repos entre les séries. Il m’a rappelé Smoke Bellew, une histoire classique d’un de mes écrivains préférés, Jack London. Le protagoniste, un typique citadin, essaie de faire du « HIIT » (High Intensity Interval Training, Intervalle Training de Haute Intensité) en pleine nature :

“Il a attaché des sangles à un sac de haricots de 40kg et s’est mis en marche. Au bout de 100 mètres il a senti qu’il allait s’effondrer. Il s’est assis et s’est épongé le visage. « Effort court, pause courte » se dit-il. « C’est ça, le secret ».

Parfois, il n’arrivait même pas à finir les 100m, et à chaque fois qu’il se remettait péniblement debout pour un autre « effort court » son sac devenait sensiblement plus lourd. Il s’étouffait et dégoulinait de sueur. Avant même de faire un quart de mile, il a enlevé sa chemise en laine et l’a suspendue à un arbre. Un peu plus tard il s’est débarrassé de son chapeau. Arrivé à la moitié d’un mile il a décidé que c’était terminé pour lui. Il ne s’est jamais épuisé à ce point de toute sa vie et il savait qu’il ne pouvait plus continuer.”

Au fur et à mesure que Chris évolue vers Kit et Kit commence à se transformer en « Smoke », il continue à apprendre :

“Kit marchait sur la piste avec ses porteurs Indiens. Conscient que ça allait être une longue marche, tout droit vers le sommet de Chilcoot, il a limité sa charge à 35kg. Les Indiens marchaient avec leurs propres chargements mais leur cadence était plus rapide que celle qu’il a pratiquée. Pour autant, il n’avait pas d’appréhension puisque, à ce moment-là, il se considérait lui-même presque comme un Indien.

Au bout d’un quart de mile il a voulu se reposer. Mais les Indiens continuaient. Il est resté avec eux, en gardant sa place dans la file. A la moitié du premier mile il était convaincu qu’il était incapable de faire un autre pas mais il a serré les dents, a gardé sa place et au bout d’un mile était surpris d’être encore en vie. Puis, d’une manière étrange, est venu ce qu’on appelle « la seconde respiration » et le mile suivant a été presque plus facile que le premier. Le troisième mile l’a presque tué mais, quoique à moitié délirant à cause de la douleur et de la fatigue, il ne s’est jamais plaint. Et puis, alors qu’il pensait que cette fois, c’est sûr, il allait s’évanouir, est venue la pause. Plutôt que de rester assis en gardant leurs sacs sur le dos comme voulait la coutume de porteurs blancs, les Indiens se sont débarrassés de leurs sangles d’épaules et de tête et se sont allongés, bien à l’aise, pour discuter et fumer. Il est passé au moins une demi-heure avant qu’ils ne redémarrent. A la surprise de Kit, il s’est senti si frais qu’à partir de là « effort long, pause longue » est devenu sa nouvelle devise.”

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En Russie, la science contemporaine des sports soutient l’idée de pauses longues dans le travail de « conditionnement ».

La plupart de coaches occidentaux continuent à baser le travail d’endurance sur le modèle du 20ème siècle, fondé sur le système d’approvisionnement en énergie des cellules musculaires. Ils travaillent la puissance et la capacité de chacune des trois systèmes énergétiques : alactique, glycolytique et aérobie. Le travail de la capacité glycolytique (le fameux « HIIT »), l’antithèse des « pauses longues », est particulièrement populaire.

Les recherches révolutionnaires de Prof. Victor Selouyanov nous apprennent que nous devrions plutôt nous focaliser sur les mitochondries, les « centrales aérobies » cellulaires dans nos muscles. Dans les fibres « lentes » cela peut être fait en développant les fibres elles-mêmes. Elles vont croître avec les nouvelles mitochondries « pré-installées » sans aucun effort supplémentaire (comme je l’ai expliqué dans mes articles précédents).

Dans les fibres « intermédiaires » et « rapides » les mitochondries se développent lorsque l’on « pousse » d’abord les fibres dans un état d’acidité légère (une fatigue locale légère) et qu’ensuite on leur laisse le temps de récupérer en aérobie, encore et encore (c’est le mode de travail préconisé par Simple & Sinistre).

Si vous laissez la sensation de « brûlure » dans le muscle monter trop haut, vous détruisez littéralement les mitochondries, celles-là même que vous essayez de développer. Et, comme le suggèrent les dernières recherches, être « acide » pourrait en plus amener d’autres problèmes, bien plus graves. Al Ciampa, SFG prévient :

« Un entraînement glycolytique intense et fréquent, une tendance de nos jours si populaire dans le monde du fitness, celle où vous terminez étalé sur votre dos, en essayant de retrouver votre respiration, cause une accumulation de destruction cellulaire qui finira par s’exprimer de manière systémique sous forme de léthargie diurne, de manque d’énergie et éventuellement, d’épuisement, voire de blocage des glandes surrénales qui provoquera une cascade des problèmes hormonaux que votre médecin aura du mal à identifier. Les recherches suggèrent qu’une exposition fréquente aux radicaux libres et aux lactates produits par un exercice continu au-delà de la capacité cellulaire d’utilisation d’oxygène (c’est-à-dire, le travail anaérobique de haute intensité) provoque la destruction des organites cellulaires (mitochondries) qui accélère le vieillissement et mine la santé. On peut voir ce « bouquet » de symptômes se manifester chez les « junkies » de la « haute intensité » qui passent leurs journées en état de « zombie », sont « réveillés » seulement lors de leurs entraînements et reviennent voir leurs médecins toutes les deux semaines avec des nouveaux problèmes de santé inexplicables. L’entraînement glycolytique intense est une sorte de carburant hautement volatile qui devrait être dosé avec une extrême minutie et utilisé par des athlètes de très haut niveau en phase de préparation pour une compétition où la victoire pourrait leur apporter un chèque d’un million de dollars et une médaille d’or olympique. »

La science russe à la rescousse.

Maximov, Selouyanov & Tabakov (2011) classifient le travail principalement anaérobique de différentes intensités comme :

  1. Exercices puissance maximale (effort à 90-100% d’intensité, durée <20s)
  2. Exercices puissance quasi-maximale (effort à 70-90% d’intensité, durée de 20s à 50s)
  3. Exercices puissance sous-maximale (effort à 50-70% d’intensité, durée de 1 min. à 5 min.)

Pour contrer les effets secondaires de l’acidose Prof. Selouyanov insiste sur le repos suffisant entre les séries. Le ratio « travail:repos » de 1:2 à 1:6 est recommandé mais à moins d’être très bien « conditionné » (de point de vue aérobie), jouez la sécurité avec 1:4 à 1:6.

Quant à la zone « puissance sous-maximale », célèbre pour son acidité délirante, le scientifique demande des plages de repos inimaginables de 10 à 30 minutes ! En plus, il déconseille très fortement des efforts intenses d’une durée de 1 à 5 minutes en dehors de compétition. Non seulement vous brûleriez vos mitochondries mais l’extrême stress psychologique et hormonal dans cette zone vous amènerait rapidement au surentraînement.

Dans toutes les zones le repos doit être actif. Marchez autour de la salle et faites les exercices de relaxation plutôt que vous asseoir ou vous étaler par terre.

Voici comment les recommandations de « pauses longues » peuvent être appliquées à l’épreuve des Snatches du « Tactical Strength Challenge » avec un Kettlebell de 24kg :

  • Le Lundi faites le Soulevé de terre et ensuite, 10 à 20 (total des deux bras) séries de Swings à une main de 7 à 10 répétitions chaque minute avec 40kg.
  • Le Mercredi faites une série de Snatches avec votre bras gauche, avec 32kg, faisant autant de répétitions parfaites que possible. Arrêtez avant que votre prise lâche ou que vous perdiez en explosivité. Posez le Kettlebell et reposez-vous 4 à 6 fois plus longtemps que la série que vous venez de faire. Ensuite, faites autant de répétitions à droite. Par exemple, si vous avez fait 10 répétitions en 30s avec votre bras gauche, reposez-vous 2-3 minutes avant de faire 10 répétitions avec votre bras droit. Répétez 2-3 fois (4 à 6 séries au total).
  • Le Vendredi faites 5 minutes de Snatches, avec 16kg. Tout en maintenant l’explosivité qui caractérise notre école, diminuez l’effort à chaque répétition de 50%. Et surtout, tâchez de tenir la cadence que vous comptez utiliser lors de la compétition. Faites 2-3 séries de cette manière avec 10 à 30 minutes de repos entre les séries. Comme option, faites une échelle de 4, 5, 6 minutes.

Laissez « efforts longs, pauses longues » devenir votre nouvelle devise.

HECTOR GUTTIEREZ

Hector Guttierez, SFG 2 lors de son épreuve de Snatches du “Tactical Strength Challenge”, division “Élite”, le 11 Avril 2015 à “Hard Style Kettlebell & Jiu Jitsu” à Corpus Christi, Texas, USA.

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Le Swing parfait, existe-t-il ?