GTG ou l’intérêt des répétitions faciles

Le terme GTG (« grease the groove », angl., littéralement, « graisser le sillon ») est souvent utilisé chez StrongFirst. Son idée de base consiste à répéter le même mouvement souvent, mais sans aller jusqu’à l’échec. Dans cet article, nous allons plonger dans les fondements de ce concept. Nous verrons ce qui se passe dans le cerveau et au niveau de la jonction neuromusculaire. Nous adresserons également quelques principes de planification d’entraînement.

« Spécificité + pratique fréquente = succès. C’est tellement évident, mais la plupart des gens ne le comprennent pas. Un jour, j’ai visité le forum d’un site web très populaire, consacré à la Force Athlétique. Un jeune Marine y a posté une question : comment augmenter le nombre de tractions strictes ? J’étais amusé par toutes les réponses hyper sophistiquées et non-spécifiques qu’il a reçues. Des tirages bras tendus, des flexions de bras prise inversée, suppression de la phase excentrique une séance sur trois… J’avais une réponse radicale. Si tu veux t’améliorer en tractions, alors pourquoi ne pas faire plus de tractions ? »

– Pavel Tsatsouline, 1999

GTG ou "grease the groove" est bien adapté au travail des tractions strictes

GTG : principe de base

Le principe de base du GTG consiste à construire, puis à renforcer le programme moteur propre à un mouvement ou un exercice. Son effet ne provient pas de la destruction du tissu musculaire pour provoquer sa régénération (hypertrophie). Il utilise la structure musculaire existante pour créer des nouvelles connexions nerveuses. En d’autres mots, le GTG améliore le « câblage ». Dans son livre « Power to the People », Pavel décrit le GTG de manière suivante :

« L’échec musculaire est plus qu’inutile, il compromet l’effet de l’entraînement. Depuis plus de cinquante ans, les spécialistes de neurologie connaissent la règle de Hebb. D’après cette règle, quand on stimule le programme moteur d’un mouvement, les répétitions de ce mouvement deviennent de plus en plus faciles.

Prenons l’exemple du Développé couché. Plus on répète, plus la charge qu’on peut soulever avec le même effort « mental » augmente. C’est comme ça qu’on s’entraîne pour réussir ! L’opposé est tout aussi vrai. Quand votre corps échoue à exécuter la commande du cerveau, le programme moteur se détériore. Vous « poussez » aussi fort que d’habitude, mais vos muscles se contractent moins bien qu’avant ! Dr. Teddy Todd, champion de la Force athlétique, disait : « L’échec à l’entraînement, c’est l’échec DE l’entraînement ».

GTG : le mécanisme neuro-musculaire

Deux mécanismes sont à l’oeuvre derrière le GTG. Le premier agit au niveau des muscles, le second, au niveau du cerveau. Au niveau de la jonction neuromusculaire, nos neurones transmettent le signal qui active nos fibres musculaires. Mais un signal ne sollicite pas toutes les fibres à la fois. Nous pouvons donc générer plus de force en apprenant à solliciter plus de fibres. Pour cela, nous devons augmenter la fréquence de transmission du signal par nos neurones. Nous pouvons « entraîner » nos neurones à augmenter la fréquence de transmission simplement en répétant le mouvement plus souvent.

Une autre composante de ce mécanisme est le fait qu’un mouvement est exécuté par un ensemble de muscles. Dans le Press, nos dorsaux, nos triceps, nos deltoïdes et tous nos muscles stabilisateurs doivent se contracter de manière bien « chorégraphiée ». Nous devons coordonner l’activation de tous ces muscles dans une symphonie parfaite.

Donald Hebb a démontré que les neurones qui transmettent systématiquement en même temps finissent par établir des interconnexions. Autrement dit, plus souvent on exécute un mouvement, plus d’interconnexions on établit entre les neurones impliqués dans ce mouvement, ce qui renforce la coordination. En exécutant le même mouvement parfaitement et fréquemment, on améliore le « câblage ».

GTG : le mécanisme cérébral

Le deuxième mécanisme derrière le GTG se trouve dans le cerveau. C’est le cortex moteur primaire qui envoie le signal à travers la moelle épinière vers les muscles. D’autres zones du cerveau coordonnent le mouvement avant même que le signal est envoyé. Nous pouvons perfectionner un mouvement en le « pratiquant » de manière purement cérébrale.

Lors des tests, les chercheurs ont demandé aux volontaires d’imaginer qu’ils font un exercice, tout en les observant à l’aide d’une IRM. Ils ont constaté l’activation du cortex prémoteur. Il s’agît de la zone où nous visualisons le mouvement avant de l’exécuter. Il y a des années, Dr. Judd Biasotto a demandé à un groupe de basketteurs de visualiser plusieurs fois leur lancer franc. Cette pratique mentale a amélioré l’efficacité de leurs lancers de 24%.

Le cerveau est la "cible" de la méthodologie GTG

La visualisation

Dans l’extrait ci-dessous, Dr. Biasotto raconte ses milliers de répétitions mentales du Squat. Sans soulever de poids, il a chorégraphié les efforts de chaque muscle impliqué :

« Nous avons filmé chaque répétition que j’ai faite lors des séances initiales depuis trois angles différents. Après chaque série, avec Dr. Spieth, on regardait les enregistrements. J’analysais mes erreurs, puis je les corrigeais mentalement.

…Un jour, il m’a filmé lorsque j’ai exécuté le mouvement avec une forme parfaite. Alors, nous avons demandé à Faye Reid, dessinatrice de chez Disney, de répliquer chaque image du film. À la fin, elle les a montées en boucle. Je pouvais les visionner de manière continue avec un appareil spécial. C’est alors que j’ai pris conscience des muscles que j’utilisais à chaque étape de mes mouvements.

…Je savais exactement sur quels muscles je devais me concentrer pour réussir le mouvement. Ces films m’ont aidé à perfectionner ma technique. Par exemple, ils m’ont appris exactement à quel moment, lors du Squat, je dois engager mes hanches et lancer mes épaules en arrière. Bref, je me suis servi de ces films pour synchroniser mon esprit et mon corps.

…Pendant les deux années d’entraînement qui ont suivi, j’ai dû revoir ces films au moins 10 000 fois. »

Les principes du GTG : entraînements fréquents

Un vrai programme GTG devrait être similaire à celui que Pavel a reçu de son père quand il était adolescent :

« Notre appartement avait un espace de stockage au-dessus de la porte de la cuisine. Mon père m’a suggéré de me suspendre sur le bord, puis faire autant de tractions que je pouvais, sans forcer. Et ce, à chaque fois que je sortais de la cuisine. »

Entraînement quotidien avec plusieurs séries « étalées » sur la journée marche très bien. Une série toutes les heures est très efficace.

Les principes du GTG : charges légères à modérées

Cette façon de travailler ne permet pas de « se défoncer », ni de détruire le tissu musculaire. L’idée est de « rester frais » tout au long de la journée. Restez loin de l’échec. Chaque répétition doit être aussi parfaite que possible. Utilisez une charge plutôt légère et faites juste quelques répétitions à la fois. Assurez-vous que chaque répétition est énergique et bien contrôlée. Vous ne devez jamais lutter pour la finir.

Vous allez devoir ajuster la charge de travail en fonction de votre objectif. Par exemple, si vous vouliez atteindre 25 tractions strictes (et vous n’y êtes pas très loin), vous feriez des séries de 10. Et si vous vouliez faire 5 Presses avec un poids particulier, vous feriez des séries de 3 à 5 répétitions avec un poids que vous pouvez soulever 10 fois.

Les principes du GTG : volume important

À faire quelques répétitions toutes les heures, tous les jours de la semaine vous donnera un volume global assez important. C’est décisif pour un programme GTG. Comme expliqué précédemment, pour créer les interconnexions qui améliorent la coordination des muscles, il est nécessaire de répéter le mouvement aussi souvent que possible.

GTG : un programme-type

Les tractions strictes à la barre fixe sont parfaites pour le GTG. Beaucoup de différents arrangements sont possibles, comme celui de Pavel décrit ci-dessus. Mais on peut aussi le faire avec d’autres exercices. Prenons l’exemple des Presses. Voici une option pour quelqu’un qui se prépare pour le grand volume de Presses propre aux certifications SFG 1 et SFG 2.

Si vous avez la possibilité, cachez un KB sur votre lieu de travail. Prenez un poids avec lequel vous pouvez faire 8 à 10 Presses, mais ne faites que 3 répétitions, toutes les heures. Sur une journée de 8 heures, vous cumulerez 24 Presses de chaque côté.

Avec ce poids-là, l’effort ne serait pas exténuant. Si jamais, le lendemain, vous avez des courbatures, prenez un KB plus léger. Après une ou deux semaines, vos Presses deviendront plus fluides et plus faciles. N’hésitez pas à augmenter le poids quand vous vous sentez prêt.

Considérations avancées

Dans l’esprit de Plan Strong™, je recommande d’onduler le volume et la charge. De manière aléatoire, alternez le nombre total de répétitions cumulé sur la journée. Pour le faire, vous pouvez ajuster le timing. Par exemple, pour avoir plus de volume, faites vos séries toutes les 30 minutes. Si, au contraire, vous voulez le réduire, alors faites une série toutes les deux heures.

Vous pouvez également varier l’intensité. Prenez un KB plus lourd pour l’augmenter, plus léger pour la réduire. Attention, le volume et l’intensité de vos sessions ne devraient pas dépendre l’un de l’autre. Attribuez-les de manière aléatoire aux différents jours de la semaine. Ou, mieux, laissez-nous créer un programme spécifiquement adapté à vos besoins avec la méthodologie Plan Strong™. Cette option est accessible ici.

GTG : l'apprentissage et le contrôle de la technique sont indispensables

Contrôle technique

Ce n’est jamais une mauvaise idée de filmer vos mouvements pour voir de quoi ils ont l’air. Lors des entraînements, je demande à mes athlètes d’imaginer une discipline olympique où leurs mouvements sont notés sur l’échelle de 10, puis de faire chaque mouvement de façon à avoir un score maximal. Notre objectif est de programmer le mouvement au niveau neuro-musculaire. Nous ne voulons pas programmer un manque de précision. Si vous ne travaillez pas déjà avec un instructeur SFG, nous vous encourageons à poster vos vidéos sur notre Forum pour un avis expert.

La composante finale de ce travail est la visualisation décrite par Dr. Biasotto. Au moment de vous endormir, essayez de retrouver toutes les sensations propres à votre mouvement. Comment les quadriceps, les fessiers et les abdos se contractent avant chaque répétition. Sentez le Kettlebell monter comme une navette spatiale au décollage, puis faites-le revenir en tirant avec les dorsaux. Peaufinez cette coordination intermusculaire. Essayez de cumuler quelques centaines de ces « répétitions mentales » tous les jours.

Conclusion

Beaucoup de pratiquants StrongFirst ont utilisé le GTG. Cette méthode correspond à nos concepts de ne jamais allez jusqu’à l’échec et de pratiquer la technique parfaite. En faisant le mouvement de temps en temps, en « petite quantité », nous pouvons focaliser notre énergie mentale sur la perfection technique. Le GTG nous apprend aussi que c’est la tension musculaire qui est à la base de la force. La masse musculaire n’est pas aussi importante que notre capacité de l’utiliser à bon escient. Le GTG renforce les programmes moteurs indispensables pour l’effort maximal.

Il va de soi qu’avant de vous engager dans un programme d’entraînement, l’apprentissage technique est incontournable.

Pour apprendre la technique du Press avec un Kettlebell, inscrivez-vous à notre prochaine formation « StrongFirst Kettlebell Course ».

Et pour apprendre la technique des tractions strictes à la barre fixe, notre prochaine formation « StrongFirst Bodyweight Course ».

 

Sinistre : aller au-delà