Renforcement des fibres lentes, partie I

 

Vous avez probablement deviné : le renforcement des fibres lentes nécessite des mouvements lents. Pour mieux vous rendre compte de la difficulté, voici l’histoire du fameux danseur soviétique d’origine tchéchène, Mahmoud Esambayev.

L’histoire de Mahmoud Esambayev

Mahmoud a grandi dans un village en haute montagne où tous les habitants connaissaient les danses traditionnelles du pays. Lui-même a commencé à danser à l’âge de sept ans. Quelques années plus tard, il est devenu professionnel et a commencé à voyager avec une troupe.

Renforcement des fibres lentes : Mahmoud Esambayev
Mahmoud Esambayev, le fameux danseur soviétique (au centre) avec un général et un cosmonaute lors d’une réception au Kremlin.

Lors de la Grande Guerre patriotique (1941-1945), il a subi une blessure à la jambe. Le chirurgien lui a dit : « J’ai sauvé votre jambe, mais vous ne pourrez plus jamais danser. » Toutefois, cela n’a pas empêché le jeune homme de devenir l’un des plus grands danseurs de l’Union Soviétique. Il avait, dans son répertoire, plusieurs danses qu’aucun autre danseur professionnel ne pouvait répéter.

C’est surtout la série de spectacles « Danses des peuples du monde » qui a valu à Esambayev la reconnaissance du public. Il exécutait la plupart de ces danses encore mieux que les danseurs d’origine. Une danse est particulièrement pertinente pour cet article. Il s’agit du « Dieu doré », originaire de l’Inde.

La danse commençait dans la position du « plié complet ». Autrement dit, un Squat complet avec les genoux tournés au maximum vers l’extérieur, comme une grenouille. Le danseur passait une minute et demi pour remonter, en symbolisant le lever du Soleil. La danse demandait une ascension particulièrement fluide. Les petites cloches cousues sur le costume traditionnel ne devaient jamais sonner.

Ensuite, il y avait six minutes de différentes figures de la danse. Puis, le danseur revenait dans la position du plié complet en une minute et demi : c’était le coucher du soleil. Les consultants indiens ont assuré au Tchéchène que cette danse nécessitait au moins huit années d’apprentissage et de préparation. Esambayev l’a apprise en moins de trois semaines ! Si vous n’êtes pas encore sûr que maîtriser les fondamentaux est important, alors relisez ce paragraphe, lentement.

Renforcement des fibres lentes : la danse "Dieu Soleil"
Avant de vous moquer du costume scintillant d’Esambayev, essayez de remonter fluidement de cette position en 90 secondes.

Renforcement des fibres lentes par le professeur Selouyanov

Heureusement pour vous, le renforcement des fibres lentes est moins douloureux que cela. Une série ne devrait vous prendre qu’entre 30 et 60 secondes. Aujourd’hui, je décrirai l’un des protocoles du professeur Victor Selouyanov. Comme je l’ai dit dans mon article précédent, il l’a utilisé avec beaucoup de succès chez des athlètes russes de haut niveau. Leurs disciplines variaient du vélo au judo, du foot au karaté full contact.

Voici donc les grandes lignes de ce programme de renforcement des fibres lentes :

  • Vitesse d’exécution : très lente, pas d’accélération.
  • Amplitude : partielle (qui ne permet pas de lockout).
  • Durée d’une série : 30-60 secondes, jusqu’à l’échec (aussi bien le jour lourd que le jour léger).
  • Pause entre deux séries du même exercice : 5-10 minutes, active (la marche, la relaxation dynamique). Autorisation de faire d’autres exercices pendant la pause.
  • Intensité : 30-70% du 1RM pour le bas du corps, 10-40% du 1RM pour le haut du corps. Même intensité le jour lourd et le jour léger.
  • Planning hebdomadaire : split, façon bodybuilding (un jour lourd et un jour léger par groupe musculaire).
  • Volume : 4-9 séries le jour lourd ; 1-3 séries le jour léger.

Programme de renforcement des fibres lentes : quelques détails

Le niveau de la résistance doit permettre d’arriver à l’échec dans le temps imparti. La différence des pourcentages entre le haut et le bas du corps s’explique par une concentration supérieure des fibres lentes dans les jambes.

L’intérêt d’aller à l’échec est double. Premièrement, cela permet de créer un environnement métabolique particulier. Deuxièmement, cela crée un stress psychologique qui provoque la production des hormones anabolisantes.

À la différence du travail avec des charges lourdes, aller à l’échec ne pose pas de problème. Puisque l’exercice donne des sensations très différentes du mouvement lourdement chargé, les adaptations neurologiques (l’apprentissage de l’échec) ne se mettent pas en place. Et puisque les charges sont aussi légères, la sécurité n’est pas non plus un souci.

En plus, à l’exception du Back Squat, le professeur Selouyanov favorisait, pour le renforcement des fibres lentes, les exercices d’isolation du bodybuilding. Parmi ceux-ci, il recommandait aux lutteurs d’élite des curls sur un support et des extensions pour les triceps ! (Consultez Easy Strength pour comprendre pourquoi ces mouvements ridicules sont bénéfiques aux athlètes expérimentés, mais pas aux débutants.)

Professeur Selouyanov était un grand fan des extensions du dos très lentes. A priori, c’était l’arme secrète dans l’arsenal d’entraînement de Vassily Alexeev. Cet haltérophile légendaire avait des problèmes de dos qui l’empêchaient de faire des Deadlifts. Alors, ils chassaient tout le monde de la salle pour faire ses extensions sur un cheval d’arçons avec une barre qui pesait seulement 40-60 kg. Le reste appartient à l’histoire.

Renforcement des fibres lentes : Vassily Alexeev
Vassily Alexeev, l’haltérophile légendaire.

Renforcement des fibres lentes : les notions scientifiques

Le programme que le professeur Selouyanov a développé pour les lutteurs d’élite prévoit également l’usage des exercices avec le poids du corps et avec un partenaire. L’exercice cible le muscle plutôt que le mouvement. Par conséquent, le type de résistance n’a pas beaucoup d’importance tant que vous obtenez la réaction physiologique souhaitée.

Contrairement à ce que vous avez pu lire sur Internet, personne ne connaît le mécanisme exact du déclenchement de l’hypertrophie musculaire. Le professeur Selouyanov a développé son programme en se basant sur sa propre théorie. En résumé, pour provoquer l’hypertrophie musculaire, il faut respecter les quatre critères suivants :

  1. Présence des acides aminés dans la cellule.
  2. Augmentation de la concentration des hormones anabolisantes dans le sang, provoquée par le stress psychologique.
  3. Concentration augmentée de la créatine libre dans les fibres musculaires.
  4. Augmentation de la concentration d’ions d’hydrogène (H+) dans les fibres musculaires.

Le premier critère est évident. Le second justifie le travail à l’échec et la recherche de brûlure. En revanche, le troisième et le quatrième nécessitent une explication plus détaillée.

Un peu de physiologie

La créatine libre et les ions d’hydrogène débloquent tous les deux la production des hormones anabolisantes. Ces dernières actionnent les mécanismes génétiques de la synthèse des protéines. La nécessité d’augmenter la concentration de ces substances définit la fenêtre de 60 secondes. Le muscle épuise son stock de créatine phosphate (c’est alors que se forme la créatine libre) en environ 30 secondes de travail dur. Quant aux ions d’hydrogène, ils sont le corollaire de la contraction musculaire. Leur concentration atteint 65% après 30 secondes de contraction, puis la valeur maximale après 60 secondes. La fenêtre de 30-60 secondes prend alors plus de sens.

Puisque les fibres lentes utilisent très efficacement l’oxygène pour récupérer rapidement, l’amplitude doit être partielle, sans lockout. Cette technique traditionnelle de bodybuilding provoque une occlusion des vaisseaux sanguins et ainsi, empêche les muscles de récupérer pendant l’exercice.

Professeur Selouyanov vs. Bodybuilding

Vous pourriez demander : quelle est la différence entre le programme de ce professeur russe et ce que les bodybuilders font depuis des décennies ? Bien sûr, il a défini très précisément les paramètres de charges, mais ce n’est pas vraiment une innovation.

Ce qui donne à la méthode de Selouyanov sa spécificité, c’est la durée radicale des pauses : 5 à 10 minutes.

Les bodybuilders utilisent eux aussi la tension constante, la contraction maximale et des répétitions hyper lentes. Mais ils compriment toujours leurs pauses à la recherche de la congestion maximale (pump). À propos, la congestion est également une manifestation de l’accumulation des ions d’hydrogène.

Le professeur Selouyanov a démontré que, certes, ces ions sont nécessaires pour « ouvrir » les cellules aux hormones anabolisantes. Mais lorsqu’ils sont présents pendant trop longtemps, ils détruisent le muscle. Souvenez-vous de vos leçons de chimie. L’ion est une particule chargée qui ne cherche qu’à s’immiscer dans une structure saine, quitte à l’endommager.

C’est alors que les pauses extrêmes de 5 à 10 minutes font la différence. D’ailleurs, le professeur Selouyanov souligne que le repos doit être actif. Le fait de marcher et de faire des exercices de relaxation dynamique (fast & loose) est de loin supérieur à l’immobilité. Le mouvement permet de faire circuler les ions d’hydrogène dans l’organisme et les faire purger par plusieurs groupes musculaires à la fois.

Bon, d’accord : des théories scientifiques, il y en a un paquet. Elles ne valent pas grand-chose lorsqu’elles ne sont pas soutenues par la pratique. Dans le cas du professeur Selouyanov, sa théorie peut ne pas être correcte, mais son programme a apporté beaucoup de succès à plusieurs athlètes russes dans plusieurs disciplines différentes. Et c’est cela qui est le plus important.

Pour conclure

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* Remerciements à Marion Molinié, SFG 1, pour la relecture.

Renforcement des fibres lentes, partie II : les pompes « diamant »