Progression des charges par paliers : un « saut de confiance »

 

Lorsque les Occidentaux découvrent les Kettlebells russes, ils sont toujours surpris par les écarts de poids entre les tailles. À l’époque soviétique, le pack classique pour homme était ultra-minimaliste : 16, 24 et 32 kg. Personne ne demandait plus de choix. La raison initiale était sans doute aussi banale qu’économiser quelques roubles et quelques mètres carrés d’espace au sol. Mais finalement, la théorie a rattrapé la pratique. Et alors, plusieurs raisons supplémentaires se sont révélées pour justifier cette progression des charges « par paliers ».

Raison n°1

Le changement fonctionnel par paliers caractérise aussi bien la nature organique que non-organique. Les [fonctions] sont constantes au sein d’un certain intervalle, mais changent d’un intervalle à l’autre avec un « saut ».

Le PR Arcady Vorobyev

Le PR Arcady Vorobyev était également Champion Olympique et mondial d’haltérophilie. Il a découvert que les changements drastiques des charges sont supérieurs aux « pas de bébé ». Surtout, pour envoyer au corps le message : « Sois plus fort ! »

La conversion de l’énergie chimique en énergie mécanique, électromagnétique ou thermique se passe également par paliers. Les changements discontinus aux niveaux cellulaire et subcellulaire sont probablement une des caractéristiques des organismes vivants… Nous proposons des « sauts » : des changements de la charge nets mais appropriés aux capacités fonctionnelles de chaque athlète… Ce principe de gestion de la charge permet d’atteindre des meilleurs résultats avec un volume moins important.

Le champion de Powerlifting Jack Reape peint les disques de 1,25 kg en rose pour stigmatiser leur usage. J’approuve.

Progression des charges - "non" aux "pas de bébé"

Raison n°2

Deuxième point, des sauts drastiques neutralisent la « tyrannie du choix ». Dan John explique :

Pourquoi j’aime bien les Kettlebells : ils me laissent peu de choix. Dans beaucoup de salles, les haltères montent en poids par 2,5 kg, voire par 1,25 kg et parfois, par 0,5 kg. Plus un millier de machine pour le Développé… un million de combinaisons.

Stop ! Les capacités de notre cerveau sont limitées !

Avec les Kettlebells, le plus souvent je n’ai que trois choix pour un exercice donné… ou même un seul.

Moins de choix, moins d’espace du « disque dur » occupé. Plus de temps vous passez à faire votre choix, moins vous en passer à vous entraîner.

Ces machines pour les adducteurs pourraient vous convaincre que vous « travaillez les jambes ». Ce n’est pas vrai. Mais vous sollicitez les ressources de votre cerveau pour vous persuader que c’est quand même le cas…

Pas de choix. Plus de travail.

Raison n°3

Mark Toomey, ex-Senior SFG, a remarqué une chose intéressante. Certes, une progression des charges très graduelle permet au pratiquant de « se faufiler » vers des poids plus lourds par l’hypertrophie musculaire. Mais elle le prive des moments de prise de conscience dans l’apprentissage technique. Laissez-moi clarifier.

Chez StrongFirst, nous enseignons la force comme une compétence. Nous « démontons et recomposons » le « fonctionnement mécanique » des corps les plus forts.

Brad Johnson est un gymnaste expérimenté et l’auteur du livre « Bodyweight Exercises for Extraordinary Strength ». Il y a une quinzaine d’années, il a conduit une expérience pour tester les trois techniques-clés de notre école. Il s’agissait de contracter intensément les fessiers et les abdos et de serrer fortement les poings.

Pour le test, Brad a choisi la « Croix de fer ». Puisque cet exercice gymnastique d’élite ne présentait pas assez de difficultés, ce superman le faisait avec les bras en « Y ». Il se mettait debout sur une balance, puis saisissait les anneaux et poussait, en appliquant l’une ou l’autre des trois manœuvres. Chacune des trois apportait une drastique augmentation de la force. Ensemble, ils ont apporté à Brad près de 20 kg.

Vous n’apprenez pas ce genre de leçon en ajoutant 500 g à la fois. Dan John dit :

Le 24 kg est un choix parfait [pour un exercice donné] …mais je « pourrais » utiliser un 32 kg. C’est un « pourrais » de 8 kg ! Alors, je dois réduire le nombre de répétitions, contractez mes fessiers et mes abdos… Vous connaissez la suite.

Progression des charges - apprendre à se mobiliser

Raison n°4

De la même manière, la progression des charges par des « pas de bébé » vole au pratiquant une autre opportunité importante. Celle d’apprendre à se mobiliser pour « affronter » un poids lourd. Les coaches russes de Powerlifting organisent occasionnellement des compétitions en interne pour leurs élèves, ne leur autorisant qu’un essai par épreuve. Ainsi, ces derniers n’ont pas la possibilité de prendre leurs repères. Ils doivent vraiment « se mobiliser ».

Raison n°5

La progression des charges par paliers force le pratiquant à être plus critique quant à sa supposée maîtrise de son poids de travail actuel. Lorsque la différence entre les charges est importante, il n’y a qu’un moyen de passer au poids supérieur : dominer le poids qui le précède.

Les coaches russes insistent sur un grand volume de travail de qualité avec des charges moyennes. Et le Kettlebell vous force à faire précisément cela. Imaginez que vous voulez passer de 24 kg à 32 en Press. C’est une augmentation de 32%, un vrai « saut de confiance ». Et il n’y a pas moyen d’y arriver sans d’abord pouvoir faire 50 répétitions ou plus, parfaites, par séance, avec le poids inférieur. Bill Starr vous dirait que plus la base de la pyramide sera large, plus son sommet sera haut.

Progression des charges : un mot de précaution

Malgré tous ces arguments en faveur des sauts drastiques entre les poids, ils ne sont pas pour tout le monde. Pavel Macek, Master SFG, parle, par exemple, du Relevé. Certain(e)s se mettent trop de pression psychologique face à la progression des charges que nous recommandons : de 8 kg (hommes) ou de 4 kg (femmes). La technique risque d’en souffrir.

Progression des charges - assistance "psychologique"

Il existe plusieurs moyens pour pallier ce problème :

  • Utiliser l’aide d’un partenaire pour assurer la sécurité
  • En amont, travailler avec la charge plus lourde en isométrie dans les positions de départ et d’arrivée
  • Commencer par des répétitions partielles (demi-Relevé)
  • Pour prendre de l’assurance, travailler d’abord la portion excentrique de l’exercice (la descente)

En conclusion

Voilà donc les cinq bonnes raisons pour une progression des charges par paliers significatifs. Toutes sont le fruit de la recherche scientifique et de l’expérience du terrain. Mais vous ne pourrez ressentir ces effets que si votre technique est au point. Pour commencer, inscrivez-vous à nos formations officielles StrongFirst ! Pour plus d’informations sur ces formations :

* Remerciements à Marion Molinié, SFG 1, pour la relecture.

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