Le Relevé avec KB en tant qu’évaluation clinique

 

Je suis ostéopathe et fan des Kettlebells. Voici une des blagues que je ressors souvent lorsque j’enseigne : « Si vous veniez me voir avec un problème orthopédique, alors je vous ferais faire un Relevé avec KB en tant qu’évaluation ». Mais derrière chaque blague, il y a toujours une part de vérité.

Qu’est-ce qu’un Relevé

Le Relevé « turc » (TGU ou Turkish Get-up) est un exercice classique très élégant. Il combine presque toutes les positions et toutes les formes de mouvement, dont la maîtrise est nécessaire pour le bon fonctionnement du corps. Si cet exercice existe depuis longtemps, c’est pour une bonne raison. En fait, d’après la légende, c’était le premier exercice que les hommes forts du passé enseignaient à leurs apprentis. Tant que ces derniers ne le maîtrisaient pas avec un poids respectable de chaque côté, ils ne pouvaient apprendre rien d’autre.

Lorsque je travaille avec des athlètes, j’utilise systématiquement le Relevé en tant qu’évaluation. Une des raisons est que cela me permet de les ralentir. Je peux alors les mettre dans des positions où j’arrive à voir ce qui se passe vraiment avec leur corps. Cela est impossible dans les exercices rapides. Nous avons besoin d’un moyen sûr pour décomposer chaque forme de mouvement, afin de pouvoir détecter le problème. Cet article va se focaliser sur la mécanique de l’épaule.

Le Relevé : évaluation n° 1

L’évaluation commence dès le début, au moment du Floor Press (Développé couché). Je regarde si l’athlète est capable de créer, lors de la poussée, une rotation externe pour stabiliser l’épaule. Pour cela, il doit engager le grand dorsal. La main est alors en position de « marteau » ou « de tir ». Autrement dit, s’il tendait le pouce, il pointerait vers sa tête.

Une erreur lors de cette étape me dira que l’athlète n’a pas le réflexe de stabilisation de l’épaule en position de flexion moyenne. Il doit d’abord apprendre à stabiliser cette position sous une charge, avant d’utiliser cette charge dans le reste du mouvement. Sa capacité de créer cet effort de rotation externe en position de flexion est capitale. Non seulement pour la bonne mécanique de l’épaule, mais pour sa santé et sa résilience en général.

Relevé : évaluation n° 2

Ensuite, on passe à la première transition. Il s’agît de rouler sur le côté pour se mettre en appui sur le coude. Ici, je regarde si l’athlète est capable de pressuriser son tronc, afin de le stabiliser et ainsi, connecter le bassin aux épaules. Les erreurs se manifestent par la jambe libre qui décolle du sol et/ou par un repositionnement de la main.

Ces erreurs m’indiquent que l’athlète a un problème fondamental avec sa capacité de stabiliser la colonne vertébrale. Sans le corriger, on ne pourra jamais vraiment améliorer la stabilité de l’épaule.

C’est la raison pour laquelle, lorsque je travaille avec un athlète qui présente un dysfonctionnement de l’épaule, nous passons tant de temps sur ces deux premières étapes du Relevé. Ils lui permettent de créer la sensation de stabilité recherchée, mais ne lui demandent pas de gérer la complexité du mouvement entier.

Relevé : évaluation de la position sur le coude
Le Relevé : la position sur le coude

Relevé : évaluation n° 3

L’étape suivante, la montée dans la position assise, est cruciale. Mais c’est souvent celle qu’on néglige le plus. Elle me révèle la capacité de l’athlète de créer simultanément une rotation externe de l’épaule en « chaîne fermée » (le sol) et en « chaîne ouverte » (le Kettlebell). Due à l’angle du torse, le second bras est en flexion. Alors, un effort de rotation externe est nécessaire pour stabiliser l’épaule. Mais on doit également créer une pression vers le sol, engager le grand dorsal et abaisser l’omoplate.

Ici, l’erreur majeure consiste à laisser l’épaule monter vers l’oreille. Cela crée une position instable et une compression (« pincement ») des tissus. L’athlète peut arriver directement dans cette position. Mais souvent, il s’y retrouve également par manque de concentration (le désengagement progressif du grand dorsal).

Relevé : évaluation n° 4

Le mouvement suivant ne fait pas partie des standards StrongFirst. Mais je demande systématiquement que mes athlètes le fassent dans leur Relevé puisque, en tant qu’évaluation, il m’apporte beaucoup d’informations précieuses.

Il s’agît du High Bridge (« haut pont »). En voici une démonstration par Louka Kurcer, StrongFirst certified Team Leader :

 

Ici, nous commençons à combiner les formes de l’épaule avec celles de la hanche. C’est pour cela que je ne passe à cette étape que lorsque l’athlète arrive à stabiliser l’épaule de manière sûre et fluide des deux côtés. Alors seulement nous pouvons jeter notre premier regard sur sa capacité d’extension complète de la hanche.

Parfois, il s’avère que le seul moyen pour l’athlète d’atteindre l’extension complète de la hanche est la déconnexion de l’épaule. Alors, je sais tout de suite que la transition vers la position de fente sera difficile. Ce n’est pas un secret qu’aujourd’hui, les athlètes passent plus de temps assis que jamais auparavant dans l’histoire. Ils finissent avec les fléchisseurs tendus et les fessiers « paresseux », la recette pour un désastre.

Il y a beaucoup d’exercices correctifs et mobilisateurs qui permettent de régler ce problème. Je ne vais pas tous les détailler. Mais je vais vous dire que le travail du High Bridge n’est pas une perte de temps. Attention, tout de même. La transition par le High Bridge est le moment où les gens ont le plus tendance à perdre leur KB. Alors, pratiquez, pratiquez, pratiquez !

Relevé : évaluation n° 5

La transition de la position de High Bridge vers la position de fente est le moment où beaucoup de gens révèlent « leur vraie nature ». Lors de cette transition drastique, l’effort de rotation externe insuffisant met en lumière l’incapacité de l’athlète de stabiliser son épaule. Mais elle me dit également si l’athlète est capable de charger sa hanche pour pouvoir ensuite se redresser.

Vous verrez beaucoup de gens essayer de se redresser en tirant avec leur dos plutôt qu’en utilisant l’extension de la hanche. C’est là aussi que vous verrez la perte de connexion entre la cage thoracique et le bassin. Lorsque l’athlète laisse ses fessiers se relâcher, ses lombaires se mettent en hyperextension. Et quand il relâche les abdos, ce sont les côtes qui « s’ouvrent ». Chacune de ces actions déstabilise la colonne vertébrale. Cela conduit à des pertes dans le transfert des forces, mais également dans la stabilité des épaules et des hanches. Attendez-vous alors à ce que, lorsque l’athlète monte dans la position debout, son genou avant s’effondre vers l’intérieur ou bien, le Kettlebell tourne autour du poignet.

Relevé : évaluation n° 6

Votre athlète arrive enfin dans la position debout. Observez-le. Garde-t-il sa cage thoracique connectée au bassin ? Contracte-t-il toujours ses abdos et ses fessiers ? Son bras est-il vertical avec l’épaule toujours en rotation externe ?

Bien entendu, l’athlète devra encore revenir au sol pour finir sa répétition. Mais généralement, à ce moment-là, j’ai déjà vu tout ce que je voulais voir.

Relevé : évaluation globale

Relevé : en résumé

Le Relevé est un exercice long et très technique. En tant qu’ostéopathe, j’en tire énormément d’informations. Je peux ralentir l’athlète autant que je veux pour pouvoir observer ses tendances. Lorsqu’il n’est pas capable de maintenir la mécanique correcte de l’épaule, de la hanche ou de la colonne vertébrale pendant le Relevé, j’ai une idée assez claire d’où il échoue dans les mouvements rapides.

La vitesse à laquelle l’athlète exécute le Relevé est également une évaluation importante. Elle me révèle sa capacité d’être patient et de comprendre l’importance du travail lent pour poser des fondations solides. Je trouve que les athlètes qui « foncent » dans leur Relevé, ont tendance à foncer partout ailleurs. Même lorsque leurs positions sont propres, ils ne s’intéressent pas aux détails, ni aux leçons que cet exercice peut leur apprendre.

La capacité de créer une force de rotation externe pour stabiliser l’épaule est importante non seulement pour protéger l’articulation sous une charge, mais aussi pour stabiliser et protéger la colonne vertébrale. Le manque d’effort de rotation externe de l’épaule déstabilise la colonne vertébrale et vice versa.

C’est pour cela que j’appelle les Kettlebells, mais aussi les haltères et les anneaux gymnastiques, « mes détecteurs de mensonge ». Un athlète peut cacher certains problèmes lorsqu’il travaille en « chaîne fermée » (la barre olympique, le sol pour les pompes, les barres parallèles, etc.) Mais quand vous le privez de cette connexion « fixe », vous pouvez tout de suite voir ses problèmes sous-jacents de stabilité articulaire.

En conclusion

Avant de pouvoir utiliser le Relevé en tant qu’évaluation (pour vos élèves ou vous-même), il faut apprendre la technique. Pour cela, nous vous proposons la Formation officielle « StrongFirst Kettlebell Course ».

Et si vous êtes déjà bien avancé sur ce chemin et souhaitez partager votre expérience avec vos élèves, nous vous donnons les clés lors de notre Certification d’instructeurs SFG 1.


Remerciements à Marion Molinié, SFG 1, pour la relecture.

La qualité ET la quantité