Quantité de santé : comment s’entraîner pour faire face au virus

 

L’article ci-dessous ne contient pas de prescriptions médicales, mais présente des stratégies d’entraînement long terme pour augmenter la « quantité de santé » (la résistance générale) chez des personnes saines. L’auteur remercie les docteurs K. Heinz et P. White pour leur précieuse contribution.


Prenez soin de votre famille. Assumez vos autres responsabilités. Ensuite, entraînez-vous.

Quantité de santé : entraînez-vous !

Voici les stratégies qui devraient augmenter vos chances de préserver votre santé ou au moins, combattre le virus plus efficacement :

  1. Augmenter les réserves des principaux systèmes fonctionnels.
  2. Améliorer la résilience non spécifique grâce à l’adaptation transversale.
  3. Ne pas compromettre le système immunitaire par l’entraînement excessif et irrationnel.

Examinons-les, une à la fois.

Augmenter les réserves des principaux systèmes fonctionnels

J’ai déjà écrit au sujet de la thèse de l’Académicien Nikolaï Amosov sur la quantité de santé [1], mais pas suffisamment.

Selon Amosov, la plupart des gens ne sont en bonne santé que statistiquement. Tout va bien jusqu’à ce que l’environnement fasse voler en éclats leur fragile statut quo. Ils peuvent se sentir bien mais pour eux, même une infection légère est potentiellement très dangereuse. Pas l’infection elle-même, mais les complications suite à l’effort qu’elle impose sur les systèmes de supports.

Le chercheur soviétique a inventé le terme « quantité de santé ». Il s’agit de l’ensemble des réserves des principaux systèmes fonctionnels. L’on mesure la quantité de santé avec le coefficient de la réserve de santé. C’est tout simplement le rapport entre le débit maximal du système et son débit quotidien habituel.

Par exemple, au repos, le corps d’une personne a besoin de 3,8 litres de sang par minute. Poussé jusqu’à la limite, son cœur peut pomper 4,94 litres/minute. Donc, son coefficient de réserve cardiaque est de :

CRC = 4,94 (débit maximal) /3,8 (débit normal) = 1,3

En temps normal, tout va bien. Mais si, à cause d’un quelconque stress important, les demandes sur le cœur excédaient 30% ? Alors, le verdict médical serait court et sec : « Décédé suite aux complications. » Dans le cas du COVID-19, les médecins nous disent que le maillon faible, c’est vraisemblablement le système respiratoire. C’est lui qui baisse le rideau pour les patients atteints.

Alors, il est axiomatique que la personne qui souhaite devenir antifragile doit renforcer son système cardiorespiratoire.

Pour travailler le cardio, il existe plusieurs moyens traditionnels : la course, le vélo, la natation, etc. Faites vos recherches, puis choisissez une méthode d’entraînement réputée, comme celle du docteur P. Maffetone.

Mais si vous préférez faire votre cardio avec des charges (ou si vous ne pouvez pas sortir à cause du confinement), alors échangez vos grinds [2] contre les mouvements explosifs.

Le docteur Fred Hatfield explique comment : « … Pour que … le travail avec des poids améliore le VO2max, il doit être non restrictif, rythmique avec des pauses relaxation entre les répétitions, d’une intensité suffisante pour maintenir la FC au-dessus de 60-70% de la FC max individuelle, et longue de plus de 30 minutes. Chaque répétition devrait également être un effort maximal. Une contraction maximale contre une résistance sous-maximale, pour qu’il soit possible de faire plusieurs répétitions. » [3]

Le poids, ce n’est pas nécessairement un Kettlebell ou une barre. Vous pouvez utiliser le poids de votre propre corps.

Travail de puissance pour augmenter la quantité de santé

Nous utiliserons le burpee comme exemple. Mais nous devrons d’abord faire deux changements radicaux par rapport à la manière dont il est utilisé dans les salles metcon.

Démonstration de burpee par Paul Tracogna

Premièrement, remontez comme un ressort. La performance habituelle dans le style « marche ou crève » n’y fera pas.

Ensuite, entre les répétitions, reposez-vous suffisamment pour pouvoir continuer au-delà de 30 minutes. En l’occurrence, faites une répétition, puis marchez à l’autre bout de la pièce. Revenez, faites une autre répétition… Sinon, utilisez un chrono et faites une répétition toutes les N secondes. L’exercice sera aérobie si vous êtes capable de réussir le test de la conversation avant chaque répétition, jusqu’à la dernière. Alors, ajustez votre temps de pause en fonction. Lors de votre première séance, vous n’approcherez pas les 30 minutes, mais votre cadence devrait vous le permettre.

La fonction respiratoire s’améliorera en parallèle avec votre cardio, mais des modalités supplémentaires, telles que la natation et les exercices de respiration spéciaux pourraient être utiles pour la renforcer davantage.

Entraînement respiratoire pour augmenter la quantité de santé

Après la pandémie, continuez votre entraînement respiratoire si vous voulez mettre plus de chances de votre côté pour une vie longue. Peter Wayne [4], professeur associé de l’école médicale d’Harvard, explique pourquoi :

Un des indices qu’une bonne respiration affecte la santé est une forte corrélation entre la fonction respiratoire et la durée de vie. Deux études illustrent joliment cette corrélation. La première est la fondamentale Framingham Heart Study [5].  Les chercheurs ont suivi 5209 hommes et femmes âgés de 30 à 62 ans pendant plus de 20 ans. Au début, ils les ont soumis à une batterie de test pulmonaires. Notamment pour évaluer un index clé d’une respiration saine, appelé la capacité vitale forcée (CVF). C’est tout simplement le volume d’air maximal que l’on peut expirer après avoir pris l’inspiration la plus profonde possible. Au cours de l’étude, la CVF a prédit avec beaucoup de précision les maladies et les décès cardiovasculaires. Cette relation restait forte, même lorsque l’on prenait en compte l’âge, le tabagisme et les conditions cardiaque et respiratoire.

La seconde étude, plus récente, faite à l’Université de Buffalo, a suivi 1195 hommes et femmes pendant 29 ans. Elle aussi a démontré une forte corrélation entre la fonction respiratoire et le taux de mortalité. Cette étude a utilisé la mesure appelée VEMS ou VEF1. Il s’agit du volume maximal que la personne peut expirer en une seconde [6]. Dans cette étude, la fonction pulmonaire a été un indice significatif de la mortalité de toutes causes, pas uniquement des problèmes cardiaques comme dans l’étude Framingham. Encore une fois, cette corrélation restait forte après l’intégration d’autres facteurs (le tabagisme, l’hypertension artérielle, l’âge). Qui plus est, les risques augmentaient non seulement pour les participants avec la fonction détériorée gravement, mais aussi modérément.

En résumé, longtemps avant que l’on ne vous diagnostique une maladie grave, la santé de votre système respiratoire peut prédire votre durée de vie.

Une blague russe exprime la même idée de manière plus concise :

Lorsque la grand-mère a soufflé les 100 bougies de son gâteau d’anniversaire sur une seule inspiration, les grands-enfants ont compris qu’ils ne vont pas se battre pour son appartement de sitôt.

Quantité de santé : travail de puissance

Améliorer la résilience non spécifique grâce à l’adaptation transversale

Il y a des dizaines d’années, les chercheurs soviétiques ont conclu : « Des expériences sur des animaux et des observations des sujets humains ont démontré que l’activité musculaire améliore la résistance non spécifique de l’organisme à plusieurs facteurs de stress nuisible auxquels les gens sont soumis dans le conditions modernes. Par exemple, l’hypoxie, certains poisons, des matériaux radioactifs, des infections, l’hyperthermie et l’hypothermie, etc. Une baisse significative en termes de maladies a été observée chez les sujets qui pratiquent de l’entraînement sportif ou de la culture physique. » [7]

Une exposition intelligente à un certain nombre de facteurs de stress, tels que l’hypoxie ou le froid, augmente également la résistance générale. Ce sont des manifestations du phénomène de l’adaptation transversale découverte par le professeur Félix Meerson. [8]

L’un des aspects de cette augmentation de la résistance générale est le renforcement des membranes cellulaires contre toute sorte des facteurs nuisibles, y compris les radicaux libres. [9]

Renforcer ses défenses avec l’exposition au froid (l’ancienne tradition russe de « trempe ») ou l’hypoxie intermittente (des apnées) est bénéfique, mais demande beaucoup de connaissances puisque pratiquer d’une manière indisciplinée ou suivre des méthodes « tendance », populaires mais scientifiquement infondées, est dangereux. Et puis, il vaut mieux obtenir le feu vert d’un médecin qui connaît ces pratiques.

Quantité de santé : l’exercice et l’adaptation transversale

L’exercice est accessible à tous.

En particulier, les exercices aérobies. L’entraînement aérobie dynamique améliore la résistance de l’organisme aux facteurs nuisibles, alors que le renforcement n’a pas cet effet. [10] Pire, augmenter la masse musculaire sans travailler l’endurance en parallèle rend mois résilient. L’hypertrophie myofibrillaire prononcée sans le développement mitochondrial correspondant réduit la densité mitochondriale. À son tour, cela réduit la résistance aux dommages causés par les facteurs de stress. [11] (Mais la force vous rendra plus résilient d’une autre manière, contre d’autres challenges de la vie quotidienne.)

Ne pas compromettre le système immunitaire par l’entraînement excessif et irrationnel

Les chercheurs soulignent que pour augmenter la résistance non spécifique, l’entraînement physique doit être rationnel [12]. Puis, que c’est l’exercice modéré qui stimule le système immunitaire [13]. En faire trop aura vraisemblablement l’effet inverse.

Les athlètes spécialisés et les travailleurs qui font du travail manuel dur paient leur adaptation à un prix particulièrement élevé [14]. L’entraînement sportif de haut niveau provoque le stress, la réduction des fonctions immunitaires et le développement de différentes maladies [15]. Le très haut niveau d’adaptation à un facteur particulier peut avoir un effet négatif sur d’autres facteurs. Apparemment, c’est dû à la concentration de toutes les ressources adaptatives dans une seule direction. L’immunodépression chez les athlètes dans leur meilleure forme compétitive est un exemple commun, puisque leur synthèse des protéines immunitaires est alors inhibée [16].

« Souvent, les réactions adaptatives des athlètes ne correspondent pas à celles des personnes saines », commente une grande chercheuse en sciences médicales, la docteure Lyubov Garkavi [17]. C’est particulièrement vrai lors de la période de compétition [18].

La glycolyse est en relation étroite avec le stress [19]. L’entraînement glycolytique est très stressant pour les systèmes neuroendocrinien et immunitaire [20]. « À la différence du travail continu, le travail en intervalles de haute intensité… provoque une brusque augmentation de production des différentes hormones en réponse au stress… Le niveau chroniquement élevé de ces hormones peut avoir un effet suppressif sur la fonction immunitaire. » [21]

Tout cela veut dire : évitez le surentraînement et minimisez l’entraînement glycolytique tel que le HIIT et le metcon.

Quantité de santé : le résumé

Pour résumer, voici une recette simple pour vous rendre plus résilient face aux virus, voire plus :

  • Faites de l’exercice dynamique aérobie modéré.
  • Évitez le surentraînement, peu importe le type de l’exercice.

Et soulevez des poids. Certes, la force physique n’augmentera pas votre résistance au virus, mais elle pourrait vous aider à défendre votre rouleau de PQ au supermarché.

Force et santé à vous !

Défendez votre PQ !

Pour conclure

La pandémie se terminera, tôt ou tard. Mais nous ne serons jamais à l’abri d’une autre. Nous serons alors de nouveau chez nous, avec nos Kettlebells, notre barre… ou alors, rien du tout. Pour profiter quand même de cet isolement et en ressortir plus fort, une bonne idée serait de bien apprendre en amont les exercices fondamentaux. C’est l’objectif de nos formations techniques :

En revanche, si vous vous entraînez depuis longtemps et souhaitez désormais partager votre expérience avec d’autres passionnés, nous pouvons vous enseignez la meilleure manière de le faire lors de nos certifications :


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Références

[1] Amosov, 1986.

[2] Hatfield, 1989, basé sur Stone et al., 1983

[3] « Puisque la contraction isométrique bloque la circulation sanguine locale, alors que l’exercice dynamique, au contraire, la facilite, il est logique de conclure qu’une plus grande absorption de l’oxygène s’obtient avec l’exercice dynamique… Un exercice statique produit une fréquence cardiaque et une tension artérielle élevée… La supériorité des exercices dynamiques par rapport aux statiques en termes du développement d’endurance s’explique en partie sur la base de l’action de pompage par les muscles, puisque les réserves d’oxygène stocké par les molécules de myoglobine se vident et se remplissent avec l’alternance de la contraction et la relaxation musculaires. » (Åstrand et al., 2003)

[4] Wayne, 2013.

[5] Kannel et al., 1983.

[6] Schunemann et al., 2000.

[7] Zimkin, 1975.

[8] Meerson, 1981.

[9] Le phénomène de la stabilisation adaptative des structures (PhSAS), Meerson et al., 1991.

[10] Meerson & Pshennikova, 1988.

[11] Meerson & Pshennikova, 1988.

[12] Zimkin, 1975.

[13] Yakovlev et al., 1990.

[14] Volkov, 2000.

[15] Dembo, 1980 ; Marischouk, 1983 ; Shoubin & Levin, 1985.

[16] Yakovlev, 1986.

[17] Garkavi et al., 1998.

[18] Konovalov et al., 1991.

[19] Garkavi et al., 1998.

[20] Sashenkov et al., 1995

[21] MacDougall & Sale, 2014.

 

Respiration minimaliste pour une protection maximale