Préparation des forces spéciales

 

Comment se préparer pour le stress et l’imprédictibilité d’un des métiers les plus durs, les forces spéciales

Coécrit avec Jonathan Pope

La sélection pour les forces spéciales, ce n’est pas uniquement un challenge physique. C’est également un stress mental et émotionnel inégalé. Pour le créer, les instructeurs plongent le candidat dans un état d’incertitude permanente. Tu ne sais jamais combien de temps cela durera, qu’est-ce qui viendra après ou combien d’autres épreuves avant que la journée se termine. D’ailleurs, tu ne sais même pas si cette journée va se terminer. Parfois, tu continues à en manger jusqu’au lendemain matin. Tu portes ton sac jusqu’au prochain point de rendez-vous, mais tu ne sais jamais quelle distance le sépare du rendez-vous d’après. Et tu dois aller aussi vite que tu peux, puisque tu peux ainsi gagner des points. Ou pas. Il n’y a aucun moyen de le savoir. Tu dois faire des pompes, courir ou nager jusqu’à ce que ton instructeur te dise d’arrêter. Et alors, quand tu penses que c’est terminé, ils te disent : « Allez, on le refait. Numéro un, dans l’eau ! »

Forces spéciales - la sélection

La plupart des gens qui quittent la sélection pour les forces spéciales ne le font pas sur un brancard. Ils ont encore du glucose dans le sang et assez d’oxygène. La douleur qu’ils ressentent est certes insupportable, mais d’ici quelques jours elle aura disparu. En réalité, c’est leur esprit qui ne croit plus qu’ils soient capables de continuer.

Il y a beaucoup de choses qui font un bon opérateur des forces spéciales. Et elles sont toutes indispensables. C’est le point le plus important dans la préparation. À n’importe quel moment, la variable la plus importante est celle qui te limite le plus. Peu importe à quel point tu es bon à l’entraînement si tu craques mentalement lorsque tu ne sais pas combien de temps la prochaine course, nage ou autre épreuve va durer.

Préparation des forces spéciales : gérer le stress

Un bon opérateur des forces spéciales sait gérer sa réponse au stress. La charge physique n’est qu’une des composantes de ce stress. Le corps répondra toujours à cette charge par une certaine quantité d’effort. Mais nous avons la possibilité de contrôler la charge que nous ajoutons à ce stress physique avec nos émotions, nos pensées et nos opinions.

À chaque entraînement, notre cerveau fabrique des modèles et des associations autour de tous les aspects de ce que nous faisons. Alors, nous utilisons les séances en chaîne ouverte pour gérer certaines de ces associations. À la différence des entraînements traditionnels, nous ne savons pas combien de temps durera la séance en chaîne ouverte. Lors d’une séance normale, notre cerveau va calibrer notre effort et notre perception de fatigue par rapport au volume de travail prévu. « Voici ce que je peux faire pour cinq séries de cinq. » La séance en chaîne ouverte nous prive de cette certitude. Alors, l’association que notre cerveau doit construire devient : « Je dois pouvoir faire cela aussi longtemps que nécessaire. » Nous nous entraînons pour être confortables avec le fait de ne pas savoir.

Préparation des forces spéciales - travail avec deux KB

Notre perception de prédictibilité et de contrôle conditionne notre réponse au stress. Quand nous connaissons les variables de la situation, le stress reste limité. Mais lorsque nous ne pouvons pas répondre aux questions du genre :

  • Combien de temps cela va durer ?
  • Est-ce que j’ai les capacités nécessaires pour y faire face ?
  • Etc.

Alors, l’intensité du stress augmente drastiquement pour préparer l’organisme à l’inconnu. Les séances en chaîne ouverte changent justement cette dynamique. Elles créent la certitude que nous pouvons fournir l’effort demandé autant de temps que nécessaire. Nous n’avons plus besoin de voir la ligne d’arrivée pour réguler notre réponse au stress.

Qu’est-ce que la fatigue ?

Il est facile de percevoir la fatigue comme un phénomène mécanique. Comme une voiture qui n’a plus d’essence. Mais la réalité est bien plus complexe. Nos perceptions de l’effort et de la fatigue ont plus en commun avec des émotions prédictives. Notre cerveau analyse en continue le flux d’informations externes et internes. Elles incluent la saturation du sang en oxygène, la glycémie, la température externe, l’humidité de l’air, etc. Ces informations se combinent avec les prédictions basées sur l’expérience préalable dans les mêmes conditions.

Par exemple, notre cerveau calcule la difficulté de courir 5 km sur l’expérience préalable d’une course de 5 km. S’il fait plus chaud et plus humide que d’habitude, nous courrons plus lentement. Notre cerveau compare l’expérience passée aux conditions actuelles et ajuste le niveau de l’effort pour le rendre supportable dans ce nouveau contexte. Les séances aux paramètres fixes y jouent un grand rôle. Elles stimulent ce processus d’évaluation et créent des associations de limitation. Lorsque nous faisons une séance sachant qu’elle comportera précisément 75 répétitions ou qu’elle durera précisément 10 minutes (on n’importe quel autre paramètre quantifié à l’avance), nous créons alors des algorithmes internes qui fixent nos limites basées sur ces chiffres.

Préparation des forces spéciales - travail avec une barre

Mais lorsque nous devons fournir le même effort plus longtemps que prévu, notre cerveau ne sait plus quoi faire. Alors, il bloque tout. Cela démultiplie le stress que nous éprouvons déjà à cause de ce que nous percevons comme perte de certitude et de contrôle.

Préparation des forces spéciales : la conception des séances en chaîne ouverte

Le seul facteur limitant pour concevoir une séance en chaîne ouverte, c’est votre créativité. Ces séances marchent parfaitement avec des variantes de protocoles anti-glycolytiques que Pavel explique dans la formation Strong EnduranceTM. Vous pouvez utiliser le couple de filières aérobie et anaérobie alactique pendant très longtemps. Mais si vous jouez à ce jeu avec la filière glycolytique, vous le regretterez très rapidement.

Une de nos méthodes favorites, c’est le jeu de pièces. Voici comment ça marche :

Attrapez une poignée de pièces de monnaie dans un pot et mettez-les dans une poche sans regarder. Ou sinon, mettez-les quelque part où vous ne pouvez pas les voir. Ces pièces représentent le nombre de séries que vous allez faire. Une pièce, c’est une série de 5 Swings. Après chaque série, sortez une pièce de votre poche et remettez-la dans le pot. Il est important de ne pas voir combien il y a de pièces dans la poche, ni dans le pot. Cela veut dire que vous ne savez jamais combien de séries il vous reste à faire. Cela augmente l’incertitude et maximise l’effet de cette forme d’entraînement.

Préparation des forces spéciales - le mental d'acier

Reposez-vous un peu, puis recommencez. Enchaînez aussi vite que vous pouvez à condition de pouvoir respirer uniquement par le nez ou de garder la fréquence cardiaque en-dessous de 150. Vous ne saurez pas combien de pièces il en reste, puis vous ne saurez probablement plus combien de séries vous avez faites. En travaillant de cette manière, vous apprenez à votre cerveau que vous pouvez maintenir ce niveau de l’effort aussi longtemps que nécessaire. Cet effort devient votre niveau de base. Ensuite, vous pourrez l’augmenter au fil du temps.

Votre séance se termine lorsque votre poche est vide.

Quelques idées supplémentaires

Cette idée permet plusieurs variantes. Choisissez un exercice qui engage tout le corps. La plupart des exercices hard style avec KB (Swing, Snatch, etc.) sont un choix parfait. Mais vous pouvez ajouter dans votre sélection des exercices comme les pompes, les tractions et autres variantes de tirage.

Choisissez une fourchette de répétitions qui vous demande au maximum 10 secondes de travail. Cela pourrait être :

  • 3 fentes de chaque côté en arrière avec un KB dans le rack.
  • 3-5 Goblet Squats.
  • 5-10 Swings.
  • 1-2 tractions strictes.
  • 1 Relevé. Il prendra plus que 10 secondes, mais ce n’est pas bien grave. Ou alors, faites un Relevé partiel.
  • 3-5 pompes.
  • 2-3 tirages (Row) de chaque côté.
  • 3-5 tirages sur les anneaux.
  • 1 Snatch de chaque côté.
  • Etc.

Vous avez compris l’idée. Soyez créatif. Équilibrez votre sélection entre les mouvements de tirage, de poussée, de squat et de flexion des hanches. Puis, n’oubliez pas d’inclure des mouvements latéraux et en rotation.

La musique aussi fonctionne bien pour réguler les séances en chaîne ouverte. Il suffit d’utiliser une playlist aléatoire. Vous décidez (ou laissez un dé décider) combien de chansons la séance durera. Puisque le choix des chansons est aléatoire, vous ne pourrez pas savoir exactement pour combien de temps vous en avez. Vous pouvez utiliser cette méthode avec les efforts de longue durée (marche, course, vélo, rameur, etc.), mais aussi pour régler la durée totale du travail glycolytique de haut volume.

Préparation des forces spéciales : deux exemples de séances

Option n°1 :

Chaque minute, faites un Deadlift, 3-5 pompes et 1-2 tractions.

Option n°2 :

Toutes les 30 secondes, faites un Snatch de chaque côté.

Choisissez vos charges de manière à être sûr que vous pouvez continuer pendant longtemps sans risquer une blessure.

La séance d’après, vous pourrez changer les chansons et/ou leur nombre dans la playlist. Vous ne serez plus en mesure de mettre une limite mentale sur le nombre prévu de séries. Vous allez devoir les faire jusqu’à ce que la playlist se termine.

Avoir un partenaire d’entraînement est également une aide précieuse lors des séances en chaîne ouverte. Un jour, c’est vous qui avez un plan et savez ce qui va se passer. Le jour suivant, c’est votre partenaire qui mène le jeu, alors que vous êtes dans le brouillard.

Préparation des forces spéciales : le mot de la fin

Les séances en chaîne ouverte sont un élément utile d’un plan d’entraînement pour un opérateur des forces spéciales. Mais le plan entier devrait également comporter d’autres éléments. Les séances à paramètres fixes ont leur propre valeur. Avec leur structure, ils permettent de développer et de tester les qualités qui bénéficient d’une gestion précise du volume et de l’intensité. Alors qu’avec les séances en chaîne ouverte, vous pourrez développer un mental résilient face à l’incertitude.

Pour conclure

Votre préparation physique doit être adaptée à vos objectifs et à votre mode de vie, puisque son but est de vous préparer pour être une meilleure version de vous-même. Vous devriez choisir votre programme et vos exercices de façon à ce qu’ils renforcent votre capital de santé et de force, plutôt que de le drainer à sec. Mais quel que soit votre choix de programme de préparation, il faut commencer par en maîtriser les outils. C’est l’objectif de nos formations techniques officielles :

En revanche, si vous vous entraînez depuis longtemps et souhaitez désormais partager votre expérience avec d’autres passionnés, alors nous pouvons vous enseignez la meilleure manière de le faire lors de nos certifications d’instructeurs :


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